À 33 ans, le peintre ivoirien Yeanzi est un artiste confirmé sur la scène internationale. La galerie Melbye-Konan à Hambourg lui consacre un solo-show, « ID-Illusions identitaires » où se déploient son travail autour du portrait, son questionnement sur l’identité et son emploi singulier de matériaux du quotidien comme le plastique. Rencontre.
Pourquoi prenez-vous l’identité comme thème central de votre nouvelle exposition à Hambourg ?
L’identité est un problème général en Afrique mais aussi dans les sociétés occidentales. Dans certaines sociétés sur le continent, l’homme est déconnecté de son histoire par le truchement de sa rencontre avec la société occidentale. Cette déconnexion a des conséquences visibles sur la façon dont nous vivons dans nos sociétés africaines aujourd’hui. À la galerie Melbye-Konan, je présente trois séries. La première est une sorte d’introspection : l’homme face à lui-même. La seconde explore la projection de l’homme dans sa communauté et l’influence de la communauté sur sa construction personnelle. Dans la troisième, je mets l’homme face à sa conscience, à son histoire pour mettre en lumière les amnésies.
Les matériaux sont une composante importante de votre travail. Quel usage en faites-vous ?
En Côte d’Ivoire, je travaille et je vis dans la commune Bingerville (Abidjan). Des matériaux comme les sachets plastiques, les cartons, les coupures de presse qui servent comme emballage au marché ou pour vendre des petites galettes dans la rue, sont ancrés dans les habitudes. Cela me semble des matériaux efficaces, à même d’être perçus et acceptés par les gens, et au-delà d’accepter le questionnement qui va avec.
Le plastique est essentiel dans votre œuvre…
La décision en 2013 d’interdire l’utilisation des sacs plastiques en Côte d’Ivoire m’a interpellé. C’était très marquant car c’est un matériau que nous retrouvons partout. Venu d’Occident, il nous a colonisés. Je voulais le recoloniser en l’intégrant dans mon processus de travail. J’ai commencé par faire du collage puis j’ai cherché d’autres moyens de le transformer, avec de la colle, de l’eau… C’est finalement un travail avec le feu qui a permis de sublimer la technique que j’exploite aujourd’hui (les oeuvres de Yeanzi usent de projection de plastiques fondus, ndlr). Bientôt, je travaillerai d’autres matériaux très contemporains comme les PVC et les tuyauteries des bâtiments. Je viens d’expérimenter cette technique à la Fondation Montresso (fondation installée à Marrakech, ndlr) où j’ai résidé récemment.
Vous êtes peintre mais vous vous engagez aussi pour l’art puisque vous ouvrirez bientôt une fondation en Côte d’Ivoire…
Je m’apprête en effet à lancer ce projet à Abidjan en janvier. Il s’agit du premier incubateur d’art de Côte d’Ivoire intitulé “IMHOTEP PROGRAM”. L’art contemporain est en plein essor, avec un intérêt certain pour des créateurs de plus en plus jeunes. Cela pose la problématique du professionnalisme, non pas du talent, mais de la compétence et de la conscience professionnelle. C’est pour aider les jeunes, pas forcément par l’âge, mais ceux qui débutent dans ce métier, à avoir les outils pour se structurer au mieux et essayer de construire une belle carrière, avec cette conscience du rôle de l’art dans la société. Cela implique qu’on leur apprenne à développer un projet artistique viable.
Propos recueillis par Sylvie Rantrua
Exposition “ID – Illusions Identitaires” (False Illusions), présente les œuvres de l’artiste Yeanzi à la galerie Melbye-Konan, du 30 septembre au 30 novembre 2021.
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