ART CONTEMPORAIN: YEANZI, VARIATIONS AUTOUR DU PORTRAIT

SYLVIE RANTRUA, LE POINT AFRIQUE, October 11, 2021
EXPOSITION. La galerie Melbye-Konan à Hambourg ouvre grand ses portes à cet artiste plasticien ivoirien qui explore les questions identitaires et les matériaux, dont le plastique. Par Sylvie Rantrua 
Disponible et chaleureux, l’artiste ivoirien Yeanzi est prêt à partager et à expliquer sa démarche. Pendant quatre jours à Hambourg, en Allemagne, il a répondu aux multiples sollicitations des uns et des autres, fin septembre, pour le vernissage de son premier solo-show en Europe, à la galerie Melbye-Konan. Un gros événement aussi pour la galerie, qui fête sa première année. Elle a traversé la période du Covid en réussissant à s’imposer, centrée sur les artistes africains ou en lien avec le continent. Le soir du vernissage, des collectionneurs, des amis de la galerie se pressent autour de l’artiste. Certains ont déjà acquis une de ses toiles, notamment lors de l’ouverture de la galerie. Pourtant, de l’aveu mкme de la galeriste Stella Melbye, « en Allemagne, les artistes africains sont très peu connus ». Dès l’ouverture de l’exposition, le succès est là et la moitié des oeuvres ont trouvé preneur. 
À 33 ans, Yeanzi est déjà un artiste confirmé sur la scène internationale. Cette exposition « ID-Illusions identitaires » est aussi le reflet de son travail et de son évolution. Dès la fin de ses études à l’Ecole nationale des beaux-arts d’Abidjan, il fera de l’identité son thème central de recherche artistique. « En voyageant, je me suis rendu compte que c’était un problème général, en Afrique, mais aussi dans les sociétés occidentales. Il s’agissait alors de voir comment mon travail pouvait être au service de ce sujet et de mettre en lumière certains éléments qui permettent des prises de conscience », raconte-t-il. 
Portraitiste, il choisit des modules anonymes, recueille leurs histoires. Pas de contours bien définis. Les impressions de visages, de formes reflètent la difficulté et la complexité des questions d’identité. Dans une première série, « Persona », il s’est penché sur l’individu, « une sorte d’introspection : l’homme face à lui-même ». Puis, il a élargi son questionnement au groupe et à la communauté dans une deuxième série, « Projection ». Il explore alors les rapports entre l’individu dans sa communauté et l’influence de la communauté sur lui. Actuellement, il travaille aussi sur une troisième série, « Colloquium » (« dialogue » en latin), où il place l’homme face à sa conscience, face à son histoire et met en lumière les amnésies collectives. Il souligne ainsi les conséquences de l’homme déconnecté de son histoire, en particulier en Afrique. Cette exposition permet d’avoir une idée de l’ensemble de son travail avec des oeuvres issues de chaque série. On peut suivre le questionnement de l’artiste, mais aussi ses choix dans l’utilisation des matériaux et des techniques picturales en fonction du questionnement posé. 
L’art et la technique au service du message Les oeuvres exposées accrochent le regard. Des figures, des formes, des corps en mouvement se devinent. On se rapproche pour voir des détails. On est séduit. Puis, on s’interroge sur les matériaux et techniques utilisés. Sa démarche artistique le pousse à choisir des matériaux pertinents au regard du sujet traité et à expérimenter des techniques personnelles. « Dans une première période, j’ai choisi des matériaux proches des gens, qui sont dans leurs habitudes », explique Yeanzi, qui vit et travaille dans la commune Bingerville à Abidjan. Les portraits, ce sont des gens qui l’entourent. En les observant, il constate que certains matériaux font réellement partie de leur quotidien et de leurs habitudes, comme les sachets plastique ou les coupures de presse, qui servent comme emballage pour les marchands de poisson au marché ou pour vendre des petites galettes dans la rue. « Cela me semblait des matériaux efficaces, à même d’être perçus et acceptés par les gens et, au-delà, d’accepter le questionnement et la thématique qui va avec », analyse-t-il. Les portraits sont esquissés sur des fonds de cartons, avec des coupures de presse, que l’on devine en observant en détail la « toile ». « Puis je suis passé à une deuxième phase. Pour interroger l’impact de la communauté, de l’écosystème, sur l’homme et notre structuration, je voulais trouver un matériau utilisé par tous. J’ai utilisé le tissu. Quel que soit le pays, on s’habille, quelle que soit la société, on porte des vêtements. C’est comme cela que je suis passé du support papier au support tissu. Si l’élément est familier, le message va passer plus facilement », assure Yeanzi. Le tissu se recouvre alors d’impressions, d’informations en lien avec la communauté.

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